GastroVaud : une recette à succès

Le 17 mars 1892 naissait au Café central à Lausanne l’ancêtre de l’association GastroVaud : la Société cantonale vaudoise des cafetiers. Ses objectifs initiaux : s’unir, pour lutter contre le poids croissant de la fiscalité. Au fil des décennies, l’association multipliera rapidement le nombre de ses adhérents et développera ses missions.

Les citoyens délégués des villes de Vevey, Montreux, Aigle, Bex et Rolle, réunis en séance extraordinaire, le 17 mars écoulé au Café central à Lausanne, pour étudier les moyens de défendre efficacement leur industrie, ont décidé à l’unanimité de créer une Société cantonale vaudoise des cafetiers. Tous ont été d’avis que pour atteindre le but qu’ils proposent, une association était chose absolument nécessaire et urgente, si l’on veut lutter avec quelques succès, (…) non pour la suppression des impôts existants ni même en faveur de leur atténuation, mais du moins contre l’aggravation de ceux qui existent, contre leur extension, contre l’établissement de taxes nouvelles d’impôts. L’industrie des cafetiers est peut-être de toutes celles qui existent dans le canton la plus fortement frappée par le fisc et cet état va sans cesse s’aggravant.
Le moment est venu de lutter sérieusement, en commun, contre le sort qui la menace. (…)

C’est en ces termes que fut fondée le 17 mars 1892 celle que l’on appelle aujourd’hui l’association GastroVaud. Ses objectifs étaient clairs : fédérer les cafetiers afin d’éviter l’instauration de nouvelles taxes heurtant la profession. Le succès fut rapidement au rendez-vous, l’association comptant déjà 840 membres trois ans plus tard. La création en 1904 d’un « Journal des cafetiers et restaurateurs du canton de Vaud », puis l’instauration d’un secrétariat permanent en 1922 et l’institution d’un certificat de capacité constitueront trois étapes importantes de son développement.

Elles dessineront les contours d’une association professionnalisée, chargée non seulement de la défense de ses membres dans les aléas politiques et économiques, mais également de leur formation. Et depuis plus de 125 ans, les défis ne manquent pas…

Résister aux crises

Le premier siècle d’existence de GastroVaud fut marqué par l’alternance entre des périodes de crise et de surchauffe. Les deux guerres mondiales en particulier placèrent la branche dans de grandes difficultés.

Seuls les établissements proches de la troupe voyaient leur commerce progresser. Les autres perdaient jusqu’à 70% de leur chiffre d’affaires, sous l’effet conjugué de l’augmentation des prix, de la fermeture des frontières et des rationnements imposés à la population.
Les crises économiques des années 30 et 70 pesèrent également sur la profession. Car qui dit baisse de la conjoncture dit naturellement aussi diminution des sorties, réduction des loisirs et restrictions aux dépenses de bouche.

A l’inverse, les années 50 à 75, puis 80, feront les affaires de la branche. Effet collatéral bienvenu : la formation, comme les conditions offertes aux employés de la restauration, seront alors renforcés.

Développer la responsabilité sociale

A la solidarité patronale qui avait été à l’origine de l’association vint en effet s’ajouter, dès la seconde moitié du XXe siècle, la solidarité sociale.

En 1942 fut ainsi créé un fonds d’entraide puis, en 1943, la première caisse d’allocations familiales des restaurateurs vaudois – appelée Hocar – d’entente avec la Société cantonale des hôteliers vaudois. En 1965, une convention collective vaudoise de travail fut déclarée d’application générale, puis remplacée en 1977 par une convention collective d’envergure nationale, toujours en vigueur aujourd’hui.

Construit au fil du siècle passé, ce partenariat entre patronat et syndicats de la restauration permit de nombreuses avancées sociales. Il reste aujourd’hui encore l’une des valeurs fondamentales de la branche, à l’échelle vaudoise comme à l’échelle fédérale.

Professionnaliser la formation

Dans les années 1920 déjà, la formation aux métiers de la restauration occupait les esprits. Objectif : améliorer la qualité de l’offre et disposer d’un outil de sélection et de professionnalisation des acteurs de la branche. C’est en 1933 qu’elle se concrétisa, par l’instauration d’un certificat cantonal de capacité.

La Seconde Guerre mondiale introduira quant à elle un deuxième type de formation, toujours dispensé par GastroVaud : la formation continue. Pour le président d’alors, il s’agissait en effet de donner aux restaurateurs les moyens d’adapter leur offre aux difficultés de l’époque : « le rationnement des mets à l’huile devient une nécessité toujours plus urgente et nous devons y habituer notre clientèle ».

L’offre en formation professionnelle ne cessera ensuite de s’étoffer. C’est en 1960 par exemple que s’ouvre le « Centre d’instruction professionnelle de Montmeillan », à Lausanne. On y dispense des cours désormais centralisés, qui déménageront quinze ans plus tard à Pully, siège actuel de l’association. De nouvelles exigences légales – l’obligation faite aux établissements sans alcool par ex. de disposer d’un certificat de capacité – multiplieront le nombre de candidats et contraindront l’association à construire un second bâtiment, inauguré en 1990.

Cet essor ne saurait pourtant masquer ni les difficultés rencontrées dans le recrutement des apprentis, ni le faible intérêt des Suisses pour les métiers de la restauration et de l’hôtellerie. Cette situation – relevée en 1960 déjà par des délégués de l’association qui se plaignaient que « (…) la jeunesse boude notre métier » – conduit aujourd’hui GastroVaud à multiplier les actions de promotion de l’apprentissage, en partenariat avec d’autres métiers de bouche: forte présence dans le cadre de salons, salaires versés aux apprentis situés dans le top ten des professions, etc.

Sur le plan législatif enfin, GastroVaud milite également en faveur d’un renforcement des exigences de base destinées aux futurs responsables d’établissements, en demandant un renforcement des enseignements obligatoires dans les domaines de la gestion et de la connaissances des produits vaudois.

S’adapter aux changements, à l’évolution des goûts et des modes de consommation

Fière de ses traditions mais ouverte sur le monde, la restauration vaudoise s’est sans cesse adaptée à l’évolution des goûts et des modes de consommation. Non sans crainte certes…. Dans les années 30, on s’inquiétait par exemple de la concurrence des grands magasins qui « pratiquent la restauration à bas prix dans un but de publicité, pour attirer la clientèle »…

Dans les années 50, on craignait la construction du réseau autoroutier national, qui risquait « (…) d’isoler l’immense majorité de nos localités (…) et de paralyser le développement de notre commerce indépendant ». Dans les années 70, on soulignait déjà la fermeture progressive des pintes villageoises. Et aujourd’hui, on tente de refreiner les ardeurs de milieux qui, par assauts successifs, cherchent à multiplier les contraintes imposées à la profession. A chaque fois, l’association défend ses membres et fait valoir ses intérêts, comme les nombreux emplois qui en dépendent.

Mais la profession sait aussi vivre avec son temps. Tout au long du XXe siècle, les cartes de mets se sont ainsi enrichies de saveurs nouvelles. De nouveaux établissements à consonances italiennes, puis asiatiques et américaines ont vu le jour.

Fast puis slow food sont venues compléter la diversité des tables traditionnelles, pour le plus grand bonheur des consommateurs toujours plus curieux et cosmopolites.

Autre évolution, celle du nombre d’établissements étoilés. A la suite de Fredy Girardet, le célèbre chef de Crissier, la gastronomie vaudoise conquiert ses lettres de noblesse et fait des émules. Qu’ils se nomment Rochat, Ravet, Rabaey, Krebs, Martin, Décotterd, Violier ou Crisci par exemple, ils occuperont les meilleures pages des guides gastronomiques qui vantent aujourd’hui la densité exceptionnelle de grandes tables vaudoises.

Rapports annuels